Les quatre amis du paralytique, l’image d’une communauté

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Introduction : Adrienne Magnin
Ils sont quatre, quatre hommes. Convaincus, déterminés, ils ne reculent devant aucun obstacle. Pour enlever le toit d’une maison, même s’il n’est fait que de bois et de terre battue, il faut être un peu fou, non ? Imaginez la coordination qu’il faut à quatre, pour descendre le grabat avec des cordes à chaque coin. Il faut faire attention à lâcher du lest en même temps pour que le paralytique ne tombe pas… (Bruit de cordes qui descendent).
C’est qu’il n’y avait - vous l’avez entendu - plus de place, pas même devant la porte : c’était la grande foule ! Et pourtant, le fait que quatre hommes se donnent autant de peine à descendre un paralytique par une ouverture dans le toit – c’est le début du miracle.
Figurez-vous qu’à l’époque, par son handicap, notre paralytique est exclu du culte et de la société. Pour tout le monde, c’était une évidence qu’une personne atteinte dans sa santé physique était nécessairement pécheur. Soit lui, soit ses parents avaient dû commettre quelque chose qui faisait qu’il le payait par sa santé. C’était comme ça. Et là, il y a quatre personnes pour qui il compte, pour qui sa santé n’est pas preuve d’un quelconque péché. Quatre personnes pour lesquelles il n’est pas au ban de la société. Quatre personnes qui se moquent des règles établies et qui osent franchir le tabou social. Ils vont jusqu’à enlever un toit et descendre le paralytique par des cordes pour qu’il puissent se trouver devant Jésus. Et quelle sagesse ils ont eue ! La sagesse – et la foi ! Ces quatre-là sont l’image d’une communauté, celle qui croit que Jésus peut tout. « Jésus, voyant leur foi… » en est tellement touché, qu’il guérit leur accompagnant.

Parfois nous aussi avons besoin d’être portés par les autres, par la foi des autres. Alors le chant, la prière des autres nous porte, comme un réseau porte son membre le plus faible.
Nous avons préparé cette prédication en équipe, l’équipe des prédicateurs laïcs de la paroisse de la Cascade légèrement étoffée. Chacun, chacune d’entre nous a une chose particulière qui l’a frappé dans ce texte. Notre prédication se veut un symbole de la communauté qui nous porte dans la foi, une complémentarité de témoignages. L’échange et la même confiance à Dieu mènent parfois à des choses incroyables comme le pardon, comme remettre quelqu’un debout. Encadré par le bruit des cordes qui descendent le paralytique, nous écoutons maintenant ces quatre perspectives.
(Bruit de cordes qui descendent)

Heidy Renaud
Ce texte me parle parce que je le trouve très actuel. Tout d’abord, Jésus, un personnage extraordinaire qui déplace et fascine les foules, tout comme les grandes vedettes d’aujourd’hui. Celles-ci se font souvent attendre, avant leur apparition sur scène, pour bien montrer combien elles sont importantes. Jésus, là-bas, à Capharnaüm, se fait aussi attendre mais pour d’autres raisons, occupé peut-être à converser, à méditer ou à prier. La foule présente profite de cette attente pour se reposer d’une longue marche fatigante et pour se préparer à recevoir Jésus.
Aujourd’hui, 26 février, j’attends ma vedette Jésus, mais il tarde à venir et comme d’habitude, je m’impatiente, je regarde ma montre et je m’énerve. Et si, au lieu de me stresser et de stresser les autres, je mettais à profit ce moment pour me conditionner à Le recevoir, par exemple, en respirant profondément, en fermant les yeux et en faisant le vide en moi; cette attente me permettrait alors d’entrer en relation avec Jésus. Ce serait un moment privilégié, une grâce et non une source d’excitation.
Tout mon corps me permettrait alors de me préparer à recevoir Jésus. C’est que la foi n’est pas qu’une question intellectuelle. Regardez le texte : Jésus ne pardonne pas seulement, il s’adresse à la personne entière son corps inclus : il permet au paralytique de respirer plus à l’aise, de marcher. Vivre la foi, avec tout son corps.
Les Galiléens, eux, ont fait l’effort de marcher longuement pour aller à Jésus. Mon effort à moi est de laisser de grands espaces vides dans mon agenda, dans mon planning journalier, et d’y écrire le plus souvent possible, en majuscules : JESUS PRIORITAIRE…

Béatrice Perregaux Allisson
L’histoire du paralytique n’est pas qu’un récit de miracle, c’est aussi le récit d’une opposition naissante entre Jésus et les scribes. Opposition qui ira en crescendo jusqu’à la mort de Jésus sur la Croix. Nous sommes au début de l’évangile de Marc, et le souci de Marc est d’établir l’identité de Jésus. Jésus est le Libérateur ; il a autorité, « non pas pour imposer une doctrine ou une ligne de conduite, mais pour libérer les humains des puissances qui corrompent et détruisent l’œuvre de Dieu ». Il a autorité pour guérir intérieurement et extérieurement. Il remet des humains debout, les fait réintégrer l’espace religieux et la communauté sociale. Il rend présent le règne de Dieu par sa parole libératrice.
Les scribes n’aiment pas du tout ça. La religion et la morale sont leur fief. Celui qui accomplit les actes de guérison leur oppose la liberté de Dieu. Il ébranle leur pouvoir et leurs certitudes. Dieu n’est pas bridé par la doctrine, même correcte : il la déborde. En Jésus, la souveraine liberté de Dieu est présente et en action. Les scribes croient prendre la défense de Dieu ; en réalité ils défendent contre Dieu leurs sécurités religieuses, mais humaines aussi. Ils accusent Jésus de blasphème. La même accusation réapparaîtra lors du procès de Jésus et lui vaudra sa condamnation à mort.
De tout temps et il est fort possible que ce soit dans toutes les religions, les garants du religieux les mieux intentionnés courent le risque d’enfermer Dieu dans la compréhension qu’ils ont de lui et de le manquer quand il apparaît dans sa force libératrice, dans un pardon qui renouvelle et régénère en dehors des sentiers battus. Dans ma foi, j’essaye de ne pas enfermer Dieu dans ce que j’ai compris de lui, mais de rester toujours ouverte à saisir et sentir sa présence, son action, même inattendue.
J’aime ce texte, parce qu’il parle du pouvoir libérateur de Dieu à l’œuvre grâce aussi à la volonté d’un embryon de communauté et malgré les garants du religieux. Et puis finalement aussi, parce qu’à la fin de ce récit, ces scribes, les garants du religieux sont aussi subjugués : « tous sont bouleversés » dit le texte « et rendent gloire à Dieu », donc même les scribes.
(Bruit de cordes qui descendent)

Claude-Alain Favre-Bulle
Ce texte me parle à cause de la foi des quatre hommes et ce qu’elle déclenche : la foi est le moteur de leur action. C’est aussi la foi de ces quatre qui déclenche l’agir de Jésus. Leur foi amène les quatre amis à agir, mais pas n’importe comment : ils observent, réfléchissent, puis agissent : O.R.A.
O. : ils observent : ce que fait Jésus, la situation de leur ami, les obstacles ;
R. : ils réfléchissent : ils cherchent des solutions, ils innovent, ils osent ;
A. : ils agissent : ils surmontent les obstacles, grimpent sur le toit, descendent le paralysé sur son brancard.
O : R : A : observer, réfléchir, agir
Lorsque nous avons beaucoup de choses qui nous tombent dessus, il est bon de s’arrêter et de regarder ce qui ne va pas. Observer.
On réfléchit aux solutions qui s’ouvrent à nous, on prie, on en parle à d’autres, on se sent moins seul pour trouver des solutions. Réfléchir.
Et lorsque nous avons observé, réfléchi, on peut agir pour réaliser bien plus de choses que nous trouvions difficiles auparavant. Ils ont agi à quatre. Seul, aucun d’eux n’aurait réussi. L’équipe est importante. Ça me fait penser à Michel Egger, l’entraîneur de l’équipe d’Alinghi. Un jour de découragement, il leur a parlé des roseaux : en prendre un et le briser, c’est facile, mais prendre un fagot de roseaux et les briser, ça n’est plus possible. L’équipe est importante, autant pour la foi que pour agir motivés par la foi.
(Bruit de cordes qui descendent)

Heidi Challandes (lu par Heidy Renaud)
Ce texte me parle et me dit que cet homme paralytique, sans nom, pourrait aussi bien être moi ! Certes, moi par rapport à lui, ce n’est pas comparable, j’ai la chance de me tenir debout, de me déplacer à ma guise et toute seule ! J’ai remarqué que cette indépendance que je crois posséder ne m’est pas toujours favorable dans les moments difficiles : puis-je lâcher prise, me laisser porter par mon entourage et faire confiance à toute personne souhaitant mon bien ?
Et quand la peur, le doute ou la maladie s’installe, qu’en est-il dans ma tête et dans mon cœur ? Que faire de mes paralysies intérieures ? Suis-je aussi bien en forme que je le prétends ?
Nous avons certainement tous une blessure, quelque chose qui a marqué nos vies. Il se peut que cette blessure ait défini les choix que nous avons faits. Parfois, la peur d’être à nouveau blessé nous a empêchés de vivre pleinement et nous nous sommes abrités derrière des comportements, des protections qui nous garantissent que personne ne pourra plus jamais nous faire mal. Que rien ne pourra plus nous toucher, nous blesser comme nous l’avons été.
Ai-je vraiment réalisé et accepté qu’à moi aussi Jésus a dit : ce qui te sépare de Dieu est effacé ? Jésus me dit et me redit que je suis libre en Dieu, libre de quitter mes esclavages et tout ce qui me rend imperméable à l’amour de Dieu et à l’humanité.
Puis-je accueillir gratuitement et sans condition ce cadeau divin qui me guérit, me transforme et me remet debout ? Pourtant dans ce cadeau il y a tout l’amour que Dieu a mis pour que je vive pleinement.
Ce que nous savons de l’histoire c’est que le paralytique n’a pas hésité à l’ordre de Jésus, il a pris son grabat, sa couche, s’est levé et il est parti en marchant. Oui Jésus lui a demandé de prendre son lit, comme si guérir ne voulait pas dire laisser notre passé et faire comme si nous n’avions jamais rien eu. Non, guérir veut dire prendre son passé, ses souvenirs, ses deuils et se lever, mais guéri.
Quand je me suis sentie guérie, je savais, j’ai reconnu que j’avais été blessée, d’ailleurs je m’en souviens toujours. Mais je sais aussi que j’ai pu regarder la plaie, la soigner, la nettoyer. La blessure s’est cicatrisée de façon saine avec l’aide de Dieu. Comme le paralytique son brancard, je continue de porter ma cicatrice, mais je marche.
(Bruit de cordes qui descendent)

Conclusion
Le texte de Marc sur le paralytique et les quatre hommes qui l’amènent devant Jésus nous parle de nous-même, de nos blessures, de notre guérison. Il nous rappelle la nécessité de nous ouvrir à recevoir la grâce de Dieu. Il nous dit l’autorité de Jésus et son pouvoir libérateur. Mais le texte nous parle aussi de nous, communauté chrétienne. C’est d’autant plus important de rappeler cela dans le contexte de la conférence œcuménique des Églises du monde à Porto Alegre.
La semaine passée, nous avons eu l’occasion d’écouter une intervention en direct sur les ondes de la Radio Suisse Romande de Porto Alegre, où a eu lieu une conférence des Églises du monde sur le thème, « Dieu par ta grâce transforme le monde ».
L’histoire du paralytique illustre ce que Jésus lui-même a dit : que « là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ». Jésus nous dit qu’il est dans nos possibilités d’agir pour faire de ce monde un lieu meilleur pour tous. La foi des quatre hommes est à la base d’un miracle. Je veux croire qu’il nous faut peu, par la foi, pour que nous aussi, nous puissions apporter les plus démunis devant Jésus.
Dans ce monde fait d’inégalités, il est bon de nous rappeler que nous sommes puissants au-delà de ce que nous imaginons. Dieu nous a créés libres – libres d’assumer nos responsabilités, ou pas. C’est notre choix. Choisir est le seul obstacle qui nous empêche de changer le monde. Choisir de s’investir pour nos prochains est dans notre pouvoir.

En guérissant le paralytique, Jésus a renversé l’idée de l’époque de croire qu’il y a des inclus et des exclus du règne de Dieu. Par la grâce de Dieu, nous savons qu’il est non pas notre devoir de changer les inégalités de ce monde, mais qu’il est notre envie de changer les inégalités de ce monde. Quand nous choisissons d’agir pour nos prochains, pour les démunis, nous participons à la guérison de notre propre communauté, la communauté de la terre. Avec la guérison du paralytique, ce n’est pas que son corps à lui qui est rétabli, mais aussi le corps de la communauté, le corps social qui est restauré.
Accueillons la grâce de Dieu dans nos vies et d’elle découlera l’engagement pour nos prochains. Dans l’esprit bienveillant et transformateur de Dieu.
« Dieu, par ta grâce, transforme le monde ! » Parfois c’est des membres d’une communauté qui ont besoin d’être soutenus, comme les personnes vivant dans le tiers et le quart monde. Et nous avons les moyens – et la foi ! – de les placer devant Jésus. C’est le message d’aujourd’hui, le lien que nous avons gardé avec la prédication de la semaine passée, où nous avons entendu en direct les nouvelles de la conférence de Porto Alegre.

Amen !

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Détails

Avec la participation de
Le groupe de prédicateurs laïcs : Adrienne Magnin, Heidy Renaud, Claude-Alain Favre-Bulle, Heidi Challandes. Coachée par la pasteur Béatrice Perregaux Allisson
Orgue
Simone Dubois
Musique
Alain Vaucher, cor des Alpes