"Etre un afin que le monde croie"

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Je considère que c’est un privilège d’avoir été invité par le Conseil des Eglises à Amsterdam afin de partager avec vous quelques enjeux et perspectives d’avenir à l’occasion de cette célébration œcuménique lors du 50e anniversaire du Conseil Œcuménique des Eglises.
Dans l’extrait de l’Evangile de Luc qui vient d’être lu, Jésus est présenté comme quelqu’un envoyé dans le monde en vue d’une mission de libération, de guérison et de réconciliation. J’entrevois dans ces versets de l’Evangile une expression précise de ce qu’est l’Eglise et ce qu’elle devrait devenir en tant que corps mystique et vivant de Christ.

Pour des raisons diverses et variées, partout dans le monde et toutes confessions confondues, l’accent est trop souvent mis sur le côté institutionnel de l’église au détriment de la nature même et la vocation de celle-ci. L’aspect de l’église comme émissaire envoyé dans le monde est presque toujours ignoré, ou du moins, marginalisé. En fait, la crédibilité d’une église ne réside pas dans ce qu’elle est, mais plutôt dans ce qu’elle devrait devenir en tant que réalité missionnaire. L’Eglise dans son essence propre est le peuple de Dieu investi d’une vocation spécifique : «Etre des partenaires actifs dans l’œuvre permanente du Christ, œuvre de renouvellement, de transformation et de re-création de toute l’humanité et de la création entière.»
C’est, à mon avis, cette vision de la mission de l’Eglise qui a poussé 147 églises de par le monde à se rassembler ici à Amsterdam en 1948 afin de marquer leur volonté de s’engager ensemble comme des témoins, à se mettre au service du monde et à lutter pour une unité visible.
La formation du Conseil Œcuménique des Eglises a été d’une importance capitale. Des divergences sur des points de théologie et de doctrine, une identité culturelle dissemblable ont pendant des siècles érigé des murs de séparation entre les églises. Le mouvement œcuménique sous l’influence du St-Esprit a fait tomber ce «mur de séparation» et rassemblé les églises dans la fraternité du COE.

Pouvez-vous imaginer l’effet du rassemblement de ces Eglises pour la première fois après des siècles d’isolement, de séparation et de controverses !
Avant de venir ici à Amsterdam, j’ai lu avec une certaine émotion le culte de la 1re Assemblée du COE dans cette ville. Quelle émotion se dégage de cet événement qui a constitué un jalon dans le monde chrétien ! Des peuples de confessions, de cultures, de nations différentes se rassemblant de tous les coins du monde pour chanter à l’unisson : «A toi la gloire» et «En Christ, il n’y a ni Orient, ni Occident».
Ces peuples, les pionniers du mouvement œcuménique sont les «nuées de témoins». La fraternité commune constituée par ces Eglises à Amsterdam est devenue un legs sacré pour les générations à venir.

Aujourd’hui, après 50 ans pour offrir des Actions de grâces à Dieu pour le COE, nous devons nous remémorer quelques éléments importants.
Tout d’abord, les Eglises se sont réunies à Amsterdam parce qu’elles étaient guidées par Dieu, et non parce qu’elles voulaient lancer un nouveau mouvement. Le mouvement œcuménique n’est pas d’origine humaine, il a été inspiré par le St-Esprit. C’est une invitation divine, un défi de Dieu à son peuple de se rassembler, de témoigner d’un commun accord et ensemble d’accomplir Sa mission. En 1948, les Eglises ont proclamé leur engagement à vouloir se rassembler.
Deuxièmement, avec la formation du COE, les Eglises ont posé les fondements d’une Alliance. Ici à Amsterdam, les églises ont fait savoir au monde qu’en dépit de leurs divisions, elles se tiennent unies devant Dieu et devant l’humanité. Et en réaffirmant leur unité en Christ, elles s’engageaient dans une quête commune pour une unité visible.
Troisièmement, le but de cette première Assemblée n’était pas de créer une organisation ecclésiale internationale, mais d’appeler les églises à une vocation prophétique par le témoignage et le service en commun. Dans son message aux églises et au monde, l’Assemblée a déclaré que les Eglises «doivent réapprendre à parler avec audace au nom du Christ, aux autorités et aux peuples, à combattre la terreur et la discrimination raciale, à soutenir les exclus et les réfugiés», à avoir le courage de dire «non» et de dire «Oui» en Christ.
Les pionniers du mouvement œcuménique ont parlé en visionnaires, ont agi avec foi et ont affronté les défis rencontrés avec courage et de façon responsable.
Pendant ses 50 ans de témoignage et de service, le COE est resté fidèle au message et à la vision de la première Assemblée. Il a entendu le cri de ceux qui aspirent à la paix, des affamés et des exploités qui demandent justice, des victimes de la discrimination qui réclament la dignité et des millions d’hommes et de femmes qui recherchent le sens et la qualité de la vie.

Le COE était, à l’origine, essentiellement une association des églises protestantes européennes. Mais au fil des années, il est devenu non seulement la représentation cohérente du mouvement œcuménique, mais également le canal le plus efficace par lequel les églises ont pu collaborer de façon coordonnée. Le COE a permis de donner un plus grand essor à la recherche d’une unité visible, et le souci d’une évangélisation commune a pu s’inscrire dans un schéma structuré, en tenant compte des conditions fluctuantes, des besoins et des priorités des églises.
Le COE a aidé les églises à s’impliquer dans un processus dynamique et créatif d’interaction. Par ailleurs, il a rendu les églises solidaires et garantes les unes des autres partout dans le monde. Ce n’est pas un esprit triomphaliste dans les réalisations du COE qui nous anime aujourd’hui. C’est un jour d’Actions de grâces à notre Dieu pour nous avoir rassemblés dans la fraternité du COE. C’est le moment de faire une évaluation rétrospective de ce que nous avons accompli ensemble et de ce que nous avons omis de faire en tant qu’appelés au ministère œcuménique.
C’est également un jour où nous pouvons regarder en avant. Le COE n’est pas une organisation. C’est une communauté d’églises, qui ne se préoccupe jamais de croissance numéraire et de développement. Le défi qu’il lance aux églises est de croître ensemble dans un témoignage et une évangélisation en commun, et d’une unité visible.
50 ans après la 1re Assemblée à Amsterdam, le COE va tenir sa 8e Assemblée à Harare, au Zimbabwe en décembre de cette année. Cette Assemblée jubilaire constitue un moment mémorable pour le COE. Elle ouvrira de nouvelles avenues et des perspectives pour l’avenir du COE. Le thème de l’Assemblée «Tournez-vous vers Dieu - Réjouissez-vous dans l’espérance» va forcer les églises à réévaluer et réaffirmer leur vocation et leur vision œcuménique dans un monde déchiré par le fondamentalisme religieux, les conflits ethniques, la barrière culturelle, l’injustice socio-économique, les menaces écologiques, dans un monde en recherche d’une signification à l’existence.

De fait, le contexte actuel et le climat de la rencontre du Conseil sont très différents d’il y a 50 ans. Les conditions dans lesquelles le Conseil est appelé à réaliser sa vocation œcuménique sont beaucoup plus complexes. Il doit faire face à des préoccupations et des priorités élargies. La question fondamentale est : «Comment le COE peut-il être un instrument crédible et efficace pour les églises en proie à des tensions internes et confrontées à des défis terribles ?»
Nous pouvons avoir des différentes interprétations de la foi chrétienne, mais notre foi en Christ est une.
Nous pouvons avoir des vues différentes de l’œcuménisme, mais le mouvement œcuménique est un.
Nous pouvons avoir des idées et des conceptions différentes sur l’unité, mais notre vision de l’unité est une.
Nous pouvons encore avoir, et en fait, nous devons encore avoir des priorités, des façons et des critères différents pour donner corps à nos préoccupations et nos convictions. Mais notre priorité commune est : «être un afin que le monde croie...». Ceci est au cœur de tout, ceci détermine et conditionne tout : nous devons rester ensemble, nous devons prier ensemble, nous devons réfléchir et agir ensemble et nous devons grandir ensemble en vue du plein KOINOINIA.
Ceci constitue en fait notre vocation commune, une vocation qui se fait plus pressante et plus pointue qu’en 1948, dans notre monde contemporain caractérisé par ses complexités, ses incertitudes et sa tendance à la polarisation.

C’est pourquoi, à l’aube d’un nouveau millénaire et dans cette célébration jubilaire, prenons l’engagement de nous reconsacrer au mouvement œcuménique et à la cause sacrée qu’il représente avec un espoir, avec une foi et avec une vision renouvelés.

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