la séquence d'Emmaüs

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Pasteur N. Kraehenbuehl - depuis le Centre Universitaire Hospitalier de Lausanne
Texte : Luc 24, 13-24

Deux hommes quittent Jérusalem. Ils ont le cœur lourd. Ce qui vient de se passer, la mort de Jésus-Christ, les laisse intérieurement complètement déchirés; ils ont perdu leur ami de route qui a fini cloué sur le bois de la croix, et les espoirs qu'ils avaient en lui se sont complètement envolés. Les voilà qui marchent vers Emmaüs complètement anéantis, profondément bouleversés par tous ces événements. Pour nous, aujourd'hui, nous dirons qu'ils sont en crise ou encore en deuil, nous parlerons de détresse spirituelle, pour dire combien ce qui leur arrive est dur et difficile. Ce qu'ils vivent, c'est comme un effondrement intérieur, au même titre que certains, ébranlés et déstabilisés par une maladie et/ou une hospitalisation.
Mais heureusement, l'histoire ne s'arrête pas là, sur leur chemin, sur le chemin d'Emmaüs, un homme les rejoint. Cet homme c'est d'abord une présence, quelqu'un qui marche avec eux silencieusement il se tait, il les écoute attentivement.
Eux, ils racontent, ils lui parlent de leur ami «Jésus», de ce qu'il était pour eux, ils racontent ce qu'ils ont vécu, les joies, les peines,… sa mort.
Cet homme leur donne un espace pour qu'ils puissent être eux-mêmes avec leur révolte, leur colère, leurs larmes. Cet homme devient le témoin de leur détresse, de leur souffrance. Sa présence leur permet de mettre des mots, des soupirs, des silences sur ce qui parfois est si difficile à dire, tant cela fait mal.
Il est là, avec eux, et cette présence a un effet sur leur souffrance. Le fait d'avoir un endroit pour la dire, des oreilles pour l'entendre fait que petit à petit la souffrance diminue, comme si à force de la dire, de la crier, elle perdait de sa puissance.
Dans notre lieu, l'hôpital, où la douleur est présente de plusieurs façons, faire baisser la souffrance est un des soins les plus nécessaires aux hommes et aux femmes qui arrivent ici. Ils traînent souvent avec eux un lourd fardeau (deuil, tristesse, colère, souffrances multiples) qui s'ajoute aux souffrances physiques, si difficiles déjà.
Ce texte nous donne une 1ère étape sur le chemin pour retrouver une nouvelle stabilité, un nouvel espoir, un nouveau sens.
Cette histoire nous raconte une expérience particulière de Dieu au travers de celui qui est là, comme Celui qui se tait tout en créant l'espace pour que l'homme souffrant puisse être lui et se raconter jusqu'au bout de lui, pour qu'un jour naissent ou renaissent l'esprit et la vie.

Amen.



Pasteur F. Vernet - Temple de Cernier (NE),
Texte : Luc 24, 25-27

«Hommes sans intelligence, que vous êtes lents à croire tout ce qu'ont annoncé les prophètes…», la réaction du Christ aux doléances de ses disciples me touche de plein fouet :
- ne suis-je pas comme eux un lecteur discriminant de la Bible, retenant ce qui me plaît et oubliant volontiers ce que je ne comprends pas, c'est-à-dire ce que je ne prends pas avec moi, surtout quand cela m'incommode ?
- ne suis-je pas aussi comme les disciples, quand je fais avec soin la liste de mes peines et de mes déceptions, quand j'alimente ma peur ou mes angoisses au souvenir de mes échecs, quand j'excuse mes fuites au nom de mon malheur ?
- ne suis-je pas encore comme eux lorsque ces litanies désolantes me mettent en colère contre Dieu et m'aveuglent aux signes d'une confiance… possible ?
«Ne fallait-il pas que le Messie souffrit ainsi avant d'entrer dans sa gloire ?» au regard de tout cela que je partage avec tant d'autres ? Question redoutable qui me renvoie bien moins à je ne sais quel plan secret de Dieu dont je ne puis prétendre percer la volonté qu'à mes lenteurs d'homme, qu'à ce manque d'intelligence si commun qui est peut-être surtout un manque d'amour, de confiance et d'espoir. Ne fallait-il pas que le Messie souffrit parce que, dans son horreur, c'était le seul moyen propre à briser l'effrayant enchaînement de mes préjugés, de mes conventions, de mes intérêts et de mes peurs, le seul moyen propre à me détourner de ma fascination pour mes propres souffrances, de mon égoïsme fondamental, de mes continuels compromis avec tout ce qui «divise pour régner» ? N'était-il pas nécessaire et peut-être indispensable pour Dieu d'accepter jusqu'à l'abomination de la Croix pour qu'éclate, dans le lumineux mystère de la Résurrection, la force de son amour, et ce, de façon telle qu'enfin, dans mes manques et mes lenteurs même, j'ai - et tous mes semblables avec moi - une petite chance de m'en apercevoir, d'en être atteint et comme retourné ?
Comme j'aimerais disposer aujourd'hui d'une machine - remonter le temps et pouvoir cheminer discrètement avec Jésus et ses deux disciples, enregistrer sa voix même parcourant dans l'ensemble des Ecritures tout ce qui se rapportait à lui, savoir enfin s'il fallait…, mais voilà, ça ne m'est pas possible; et comme Luc l'évangéliste n'a pas pu - ou n'a pas jugé bon - de nous en dire plus sur cette catéchèse fondamentale d'après la Résurrection, il ne me reste qu'à prier et travailler avec mes soeurs et frères dans la foi, tout ce qui m'est dit de Jésus dans l'ensemble d'une Ecriture aujourd'hui plus développée qu'alors !

Bien sûr, ça me fait aussitôt penser au vieux principe d'interprétation de l'Ecriture par elle-même, cher aux Réformateurs, et aussi à l'incroyable richesse des traditions chrétiennes par lesquelles nous est parvenu le message de la mort et de la résurrection de Jésus. Mais bien plus encore, cela me renvoie à la nécessité, à la liberté et à la responsabilité d'interprétation qui sont les nôtres quand nous lisons la Bible, réalité dont l'histoire des églises et sociétés chrétiennes a montré que pouvaient sortir le meilleur et le pire, pour ne prendre que deux exemples contemporains, Mère Teresa et le terrorisme confessionnel irlandais ! 
Avec bien d'autres, je remarque l'insistance de l'apôtre Luc sur «tout» ce qui a été annoncé dans «l'ensemble» des Ecritures, du début à la fin comme il prend bien soin de nous le préciser… Et je me dis que nos résistances et aveuglements, nos souffrances et nos peurs ne sauraient justifier que nous n’oubliions jamais une seule part des Ecritures dans nos tentatives d'interprétation, surtout pas celles qui peut-être nous conviennent moins que d'autres, quelle qu'en soit la raison. A négliger cela, nous serions assurés d'être «à côté de la plaque» et les petites et grandes guerres de religion montrent assez combien cela peut être grave.
Je constate d'autre part qu'en reprochant à ses disciples leurs lenteurs et leur manque de compréhension d'ensemble, Jésus ne leur fait pas grief d'être ce qu'ils sont, mais plutôt de rester crochés à ce qui leur a convenu dans le passé, oubliant que la vie évolue et que Dieu accompagne cette évolution, privilégiant le passé - connu donc relativement confortable - au détriment d'un à-venir pourtant orienté à la gloire du Christ, peut-être même commandé par elle ! N'y a-t-il pas là, pour chacune des églises du Christ si volontiers ancrées dans le passé de leurs traditions vénérables un appel à faire confiance au Ressuscité et à aller de l'avant avec lui, quitte à ne pas reconnaître tout de suite sa présence ?
J'observe, enfin, comme croyant et membre d'église, qu'en nous mettant dans l'impossibilité de connaître précisément le sens dégagé par Jésus pour ses deux disciples, tout en nous rappelant la nécessité de n'exclure aucun témoignage à lui rendu, l'apôtre Luc nous place tous - lecteurs de la Bible - en position de recherche de sens ouverte, libre et responsable, décentrée de nos préjugés comme de nos souffrances; recherche de sens par voie de conséquence ultimement orientée à l'amour de soi, des autres et de Dieu également, et donc nécessairement aussi inter confessionnelle, inter religieuse, inter culturelle, interdépendante !
Alors quand tout à l'heure, au partage du pain et du vin, nous retournerons en esprit à Jérusalem, au Christ vivant et provoquant qui nous accompagne jusque dans nos fuites, disposons-nous aussi à accueillir dans l'inconnu de nos chemins la figure de l'amour de Dieu, insaisissable mais en route avec nous, porteuse d'amour, de confiance et d'espoir.

Amen.


Chanoine Joseph Roduit - Abbaye St-Maurice (VS)
Texte : Luc 24, 28-31

La lecture de l'évangile d'Emmaüs nous a mis sur la route et nous avons entendu l'explication des Ecritures. Nous arrivons à un moment décisif de la rencontre. On sent qu'il va encore se passer quelque chose d'inattendu.
Les deux compagnons invitent l'hôte inconnu à entrer chez eux. Une fois à table, il prend le pain, le bénit et le rompt. A ce moment-là, ils le reconnaissent, mais lui, disparaît à leurs regards.
Reprenons dans l'ordre le passage de ce récit de cet événement.

1. L'invitation à l'hôte inconnu

Il y a tout d'abord ce geste fort sympathique, sans doute plus courant chez les orientaux ou les gens du sud que chez nous. On ne laisse pas une personne, même inconnue, s'enfoncer dans la nuit, toute seule. Les lois élémentaires de l'hospitalité veulent que l'on accueille ou que l'on accompagne une personne seule surtout dans la nuit.
Ayant eu la chance personnellement d'être l'hôte d'indiens du Nord Est de l'Inde, au pied de l'Himalaya dans notre mission là-bas, je peux témoigner de leur sens de l'hospitalité. Le pauvre n'a presque rien et il le partage avec l'hôte même inconnu. Il y a toujours, à disposition, un peu d'eau chaude prête et, rapidement on vous sert une tasse de thé. Les formules de politesse ne manquent pas pour signifier l'honneur que fait l'hôte à s'arrêter dans leur maison.
Ici, Jésus fait semblant d'aller plus loin. Les disciples s'efforcent de le retenir et il entre pour rester avec eux.

J'en tire une première leçon. L'évangile dit par ailleurs «J'étais un étranger et vous m'avez accueilli.». Accueillir l'étranger, c'est aller au-devant d'une aventure. Nous verrons que celle-ci fut salutaire.

2. Une fois à table, poursuit le texte, il prit le pain, dit la bénédiction le rompit et le leur donna.

Voilà des gestes significatifs. Pour un lecteur de l'évangile d'aujourd'hui comme pour un contemporain de Jésus, ces gestes évoquent, soit la multiplication des pains, soit la Sainte Cène, que l'on désigne aussi par le mot d'Eucharistie, d'action de grâce.
Est-ce qu'à Emmaüs, Jésus a célébré une Sainte Cène, une Eucharistie ? La question a préoccupé des théologiens chrétiens à toutes les époques. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il n'a pas fait semblant et que ses gestes significatifs ont été des signes évidents pour les deux disciples.
En tant que prêtre catholique, - je pense que pour un pasteur réformé ou un prêtre catholique-chrétien c'est la même chose, - ces gestes ne sont pas anodins. Ils ont une portée caractéristique et significative. Dire les paroles «Ceci est mon corps», sur du pain, c'est prononcer des paroles très fortes qu'on ne prononce jamais à la légère.
Prêtres et pasteurs, nous avons conscience de poser là des gestes précis et des paroles lourdes de sens. Nous faisons les gestes mêmes que Jésus. Nous redisons ses propres paroles au dernier repas avec ses disciples, en mémoire de lui, comme il nous a dit de le faire. Que les explications théologiques divergent, que le sens donné aux mots soit différent, c'est possible. Mais ce qu'il y a de certain, c'est qu'on touche là à l'essentiel de notre foi chrétienne et nous pouvons nous réjouir de tout progrès théologique qui rapprochera les explications différentes, pour aboutir à une foi commune et à une reconnaissance mutuelle de cette foi.

3. Voyons la suite du récit pour comprendre : Alors leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards.

L'évangéliste nous fait une catéchèse. Sur la route, les yeux des disciples étaient comme aveuglés; ils voyaient Jésus, mais ne le reconnaissaient pas. Ici, à table, c'est l'inverse. Leurs yeux s'ouvrent, ils le reconnaissent mais lui, disparaît. On sent très bien que l'évangéliste crée le parallèle et veut susciter chez le lecteur une réaction.
Reconnaître la présence du Christ vivant et permettre à nos yeux de s'ouvrir, voilà bien le but de la catéchèse de Saint Luc. Il s'agit ici des yeux de la foi. Les yeux humains ne voient plus personne là où les yeux de la foi découvrent une présence. Présence mystérieuse certes, mais présence perceptible pour qui regarde avec le cœur, pour qui a le cœur réchauffé par la Parole de Dieu.
En trois mots, je résumerais : accueillir l'hôte, même étranger, célébrer avec les gestes de Jésus, reconnaître le Christ vivant.

Amen.



Hélène Quélen-Mokry - Eglise St-Germain (GE) Texte, Luc 24, 32-35

Nous voici arrivés au terme de ce culte dans cette église catholique-chrétienne de Saint-Germain à Genève.
Comme les disciples d'Emmaüs nous avons parcouru différents lieux d'églises de Suisse Romande à la rencontre du Seigneur. Comme eux, espérons que nos cœurs brûlent du désir de le rencontrer sur notre route. Certes, nos expériences de fois sont diverses, comme nos chemins, mais c'est pourtant le même Seigneur qui nous unit au-delà de nos différences, le même Seigneur dont l'Esprit aujourd'hui encore guide l'Eglise.
Pour rendre grâce ce matin, nous allons partager le pain comme l'ont fait les disciples d'Emmaüs. Nous allons prier en utilisant la plus ancienne prière eucharistique qui nous soit connue, celle d'Hippolyte de Rome, une prière qui date des années 200 après Jésus-Christ.
Puisse cette prière exprimer notre espérance en la présence du Christ ressuscité et nous rappeler qu'il est présent à nos côtés - c'est le pari que nous faisons aujourd'hui encore comme chrétiens…

Prière action de grâces - Curé Jean-Claude Mokry

Oui, nous te rendons grâces
Par ton Fils bien-aimé Jésus-Christ.
Lorsque les temps ont été accomplis,
Tu nous l'as envoyé comme sauveur,
Rédempteur et messager de ta volonté.

Il est ton Verbe inséparable, par qui tu as tout créé,
Et que tu as envoyé du ciel dans le sein d'une vierge.
Il s'est incarné et manifesté comme ton Fils,
Né du Saint-Esprit et de Marie.

Il a accompli ta volonté et t'a donné un peuple saint.
Lors de sa Passion, il a étendu les bras
Pour libérer de la souffrance ceux qui ont confiance en toi:
Tandis qu'il se livrait à la mort pour la détruire
Et rompre les chaînes du mal,
Pour fouler aux pieds le monde des ténèbres
Et amener les justes à la lumière,
Mettre ainsi un terme à l'emprise du péché
Et manifester à tous la résurrection.

Il prit du pain, te rendit grâces et dit :
«Prenez, mangez, ceci est mon corps qui est rompu pour vous.»
De même, il prit le calice en disant :
«Ceci est mon sang qui est répandu pour vous.
Quand vous faites ceci, faites-le en mémoire de moi.»

Nous souvenant donc de sa mort et de sa résurrection,
Nous t'offrons ce pain et ce calice,
En te rendant grâces de ce que tu nous as jugés dignes
De nous tenir devant toi et de te servir
Dans le sacerdoce de tous les baptisés.

Nous te prions :
Envoie ton Saint-Esprit sur ces dons offerts par ton Eglise:
Rassemble tous ceux qui participent à ce repas;
Remplis-les de ton Esprit pour affermir leur foi
Et garde-les dans la vérité.

C'est pourquoi nous te louons
Et te glorifions en ton Fils Jésus-Christ,
Par qui te sont offerts gloire et honneur dans ton Eglise,
Maintenant et dans les siècles des siècles.

Amen.

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Détails

Avec la participation de
F. Vernet pasteur ; Chanoine Joseph Roduit, et Jean.-Claude Mokry, Curé Catholique Chrétien
Orgue
Alain Aeschlimann
Musique
avec la communauté locale et les journalistes des émissions religieuses de la RSR

En collaboration avec