Je suis la vigne...

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Tout au fond de son histoire, le culte du Jeûne genevois a joui d'un regain d'intérêt parmi les protestants de Genève au gré des menaces mettant en péril l'existence de l'Eglise nationale protestante. Les catastrophes naturelles, les épidémies, les guerres ou les menaces de guerre, l'expansion de l'Eglise catholique romaine furent chaque fois des occasions privilégiées pour les protestants de Genève de se réunir pour prier Dieu et s'humilier. Le mal auquel les protestants étaient exposés provenait de ceux d'en face ou des phénomènes extérieurs. Il fallait se prémunir des menaces et des dangers venant du dehors.

Aujourd'hui, le mal ne vient pas du dehors mais du dedans. La menace éclate au sein du protestantisme même. Le malaise qui hante depuis longtemps les esprits se transforme en désarroi et en détresse. Les uns étalent avec complaisance les maux de l'Eglise, d'autres pratiquent l'autodérision, d'autres s'ingénient à faire passer nos échecs comme des vertus. L'heure est grave. Le déficit financier de notre Eglise atteste sa faillite spirituelle. Nous nous trouvons sous le jugement de Dieu qui surviendra à la fin des temps mais dont la réalisation a déjà commencé. D'où le solennel avertissement de Jésus. «Hors de moi vous ne pouvez rien faire». Il ne s'agit pas du jugement du monde, mais de celui des croyants; il est présenté comme une menace, un avertissement, afin que nous ne disions pas «oui» au Seigneur et «non» à la volonté. Sans le Saint-Esprit, de qui le Christ est devenu dispensateur, l'homme ne peut que demeurer dans l'erreur. En paraphrasant une parole de l'apôtre Paul nous affirmons : Quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas le Christ, je ne suis rien.

Nous entrons ici dans le cœur de la Réforme. Les Réformateurs dans leur dialogue pratiquement impossible avec l'Eglise catholique romaine de l'époque ont pris conscience que l'Eglise en tant que telle n'offrait aucune garantie d'appartenir au Christ. Voilà le défi de la Réforme. Vivre de la grâce seule, du don que le Christ nous accorde par son Esprit, telle est la seule attitude possible pour faire partie de l'Eglise. L'Eglise de tous les siècles ne vit pas dans un état de perfection et d'infaillibilité. Elle n'est pas parfaite car elle comprend des hommes et des femmes qui vivent constamment la tension entre la sainteté et le péché, entre la vérité et l'erreur, entre la fidélité et la trahison, entre l'humilité et la soif du pouvoir. C'est pourquoi les Réformateurs n'ont jamais voulu identifier le corps qu'est l'église avec la tête qui est le Christ. L'Eglise peut obéir au Christ ou Le nier. Elle peut se tromper jusque dans ses organes officiels à «être en Eglise» ou «à chercher des lieux d'églises» comme fallacieux et non conforme aux principes de la Réforme. Jésus nous demande d'être en Lui et de demeurer en Lui afin que nous puissions porter des fruits. Il n'y a pas d'autre raison de vivre sa foi.
Sans moi vous ne pouvez rien faire, dit le Christ.

Quelles sont les raisons qui nous ont conduits à la crise profonde que nous traversons ? Un retour en arrière est nécessaire. Depuis la dernière guerre mondiale s'est développée dans les églises réformées de l'Europe occidentale l'idée de promouvoir l'ouverture au monde. Cette vision ne manque pas de générosité. Beaucoup de réformés ont prôné la solidarité avec les démunis, les exclus, les exploités et ont défendu le respect des droits de l'homme. Beaucoup de bons services ont été rendus pour ouvrir nos yeux sur la détresse de l'humanité. Dans le domaine de l'entraide internationale beaucoup de croyants se sont engagés sans compter. Ces témoignages, ces engagements, ces services ont eu des effets bénéfiques et libérateurs et méritent d'être poursuivis.
Cependant, il y a le revers de la médaille. Cette ouverture au monde et cette volonté d'être une église pour les autres n'sont-elles pas rendue superflue l'ouverture au Christ ? Nous investissons notre temps et nos forces dans de multiples activités mais en même temps nous négligeons de demeurer dans la proximité constante du Christ. Si nous ne demeurons pas dans le Christ, nous perdons les moyens de résister aux idéologies des pouvoirs de droite ou de gauche et nous nous assimilons aux modes du temps en nous exposant à tous les dangers de compromissions.
Vivre sans le Christ c'est vivre dangereusement.

En comptant sur nos seules forces et en nous engageant dans mille et une activités, nous nous épuisons très vite et tombons dans les méandres de la dépression. En même temps nous trahissons la cause de la Réforme qui a toujours mis en relief le salut de Dieu que nous n'obtenons jamais par nos œuvres ni par nos prestations aussi bien intentionnées qu'elles soient. Même la restructuration de nos services et le redéploiement de nos ministères n'offrent aucune garantie. Par nos propres moyens nous ne pouvons que déplacer les problèmes sans toutefois les résoudre.
La seule solution qui nous reste c'est de prendre au sérieux la promesse et l'avertissement du Christ. Je suis le vrai cep, vous êtes les sarments. Sans moi, vous ne pouvez rien, absolument rien faire. La crise qui affecte le protestantisme doit nous amener à retrouver la vraie source nourricière de la foi. Les voies d'accès à cette régénération spirituelle sont la repentance, la prière, la conversion. Nous sommes au seuil d'un grand réveil dès l'instant où nous implorons l'intervention du Saint-Esprit. C'est l'Esprit qui nous ouvre le chemin au Christ.
Par le don du Saint-Esprit, les affections du Christ sont inculquées dans nos cœurs selon les termes de Jean Calvin. De même que les sarments tirent la sève du cep, de la foi dans la communion du Christ. Demeurer dans le Christ doit rester notre seul souci. Car cette vie authentique que nous découvrons dans le Christ nous rend bénéficiaires des soins constants que Dieu prodigue à notre égard.
Comme le vigneron ne cesse de soigner, d'entretenir et de traiter ces vignes, ainsi le Seigneur prend soin de nous.

Les Réformateurs ont toujours mis en exergue la prééminence de la grâce de Dieu. Sans la grâce un protestant n'est plus un homme réformé. Se fier à ses propres forces rend notre témoignage improductif. Ce danger nous guette dès l'instant où nous posons la fausse alternative : aller dans le monde et porter des fruits ou bien demeurer en Christ. Il est erroné d'opposer l'amour du prochain à l'amour de Dieu ou de choisir entre l'ouverture au monde et l'ouverture au Christ. La grâce de Dieu embrasse à la fois notre union avec le Christ et le service rendu à notre prochain.
Le célèbre fondateur de la Croix Rouge, Henry Dunant, membre influent de l'Eglise évangélique libre de Genève a compris son engagement sous l'éclairage de l'Evangile. «Prions, écrit-il, pour que tout se fasse toujours à la gloire de Jésus, dans l'humilité et le renoncement à nous-mêmes; dans une ardente charité, mais aussi dans la plus stricte fidélité envers le Seigneur et envers sa Parole, sans laquelle il n'y a pas de véritable amour». En quelques mots Henry Dunant décrit le réveil auquel nous aspirons tous aujourd'hui.
Un tel renouveau nous permettra de surmonter la crise spirituelle. Car la seule chose importante pour nous et pour notre Eglise, ce sont les fruits de l'Esprit, les signes toujours nouveaux de l'amour donné et exigé par le Christ.

Amen.

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Détails

Avec la participation de
Orgue
François Desbaillet
Musique
Chorale Josaphat de l'Eglise Evangélique, dir. Etienne Rochat