La lucidité

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"L'obscurité couvre la terre,
la nuit enveloppe les peuples.
Mais toi, le Seigneur t'éclaire
comme le soleil qui se lève" Esaïe 60/2

Chers Frères et Soeurs,

Etymologiquement, l'EPIPHANIE c'est une brillance soudaine qui déchire la nuit ou éclate dans la morosité ambiante.
C'est aussi bien l'étoile des mages qui brille dans la nuit de l'Epiphanie que l'éclat d'un souverain dont le règne étonne et stupéfie, comme ce fut le cas d'Antiochus IV qui fut surnommé Epiphanie, c'est-à-dire le Brillant.
Ce surnom, il ne le dut certainement pas aux Juifs, car il s'ingénia à détruire le judaïsme en Palestine en faisant régner partout la culture grecque et l'hellénisme. Ne transforma-t-il pas le temple de Jérusalem en Temple de Zeus, avec une statue du maître de l'Olympe ? Des Juifs ne purent admettre que non seulement on bafoue ainsi leur culte et leur culture, mais que l'on offense le Dieu, maître du monde et créateur de toute vie.
Mattathias et Judas Macchabées soulevèrent le peuple juif et la révolte de la foi l'emporta sur la brillance de celui qui voulait éradiquer toute judéité.

Le texte d'Esaïe 60 dépeint bien la situation en ce début d'année : grisaille, difficultés diverses, insatisfaction quasi générale et chagrin.
Vous avez regardé le ciel ce matin, comme le jour peinait à se lever, tout était gris et la pluie tombait à flot. Mais plus que cette obscurité atmosphérique, ce qui faisait mal c'était la nouvelle abondamment diffusée ces derniers jours des chiffres alarmants des chômeurs en fin de droit. Plus de 40'000 femmes et hommes, surtout dans la cinquantaine, après 25, 27 ou 30 années de travail fidèle dans une entreprise se sont vus licenciés et savent maintenant qu'il y a peu de chances pour eux de retrouver un vrai emploi. Ce sentiment que l'on est de trop, que les autres n'ont plus besoin de nous, c'est la nuit qui enveloppe les peuples, ou en tous cas c'est une partie de la nuit qui enveloppe une partie de la population.
Je n'oublie pas tous les autres tracas et soucis, les maladies et les décès, les affections rompues et les cœurs brisés et, au-delà de nos frontières, les violences et les exactions, la famine et la cruauté sous toutes ses formes.
Mais la LUMIERE, où brille-t-elle comme un soleil levant ?
Elle brille, elle est petite, mais elle est là. Cependant, avant de la découvrir avec vous pour nous en réjouir et jouir, revenons quelques instants à notre texte et à la situation en Israël à l'époque d'Esaïe, probablement le troisième des prophètes qui écrit sous ce nom. Les dix derniers chapitres du livre (55-65) font alterner deux thèmes. D'une part, la description des nombreuses violations de la Loi et des prescriptions du Culte, qui sont tout autant de fautes morales, pour ne pas dire sociales et politiques et comme en contre-point l'annonce de la venue imminente de Dieu et de son règne.
A l'époque où le prophète écrit, Israël est rentré de captivité, il a retrouvé sa ville, son temple et son pays. Mais la ville porte les traces du pillage, le temple est détruit, ou il ne se reconstruit que lentement, quant au pays il est en crise économique. L'agriculture va mal, les pauvres sont de plus en plus dans la misère, même les riches ne vont pas bien. L'exil est fini, mais le règne de Dieu n'a pas commencé. Dans ces conditions le prophète crie avec le peuple "Ah, Seigneur si tu déchirais les cieux et si tu descendais", mais plus que cela le prophète assure que Dieu n'est pas sourd, IL VIENT, l'espoir peut vivre.

Nous quittons l'Israël ancien pour revenir à notre temps, par le message que nous avons lu dans Ephésiens 2/11-16.
Juifs et non-juifs vivant en paix, c'est le signe messianique qu'Ephésiens proclame comme le fruit obtenu par le Christ donnant sa vie pour le salut du monde.
Or que s'est-il passé à Noël 1995, il y a quelques jours, Bethléhem, après 28 ans, a été rendue par les Israéliens aux Palestiniens, comme cela avait été promis dans les accords signés et maintenant tenus. Et avec Bethléhem Ramallah et d'autres cités. Je sais, hier Eyhia Ayache a été tué par un téléphone piégé et les Palestiniens ont juré de venger "l'ingénieur" qui avait fait lui-même sauter tant et tant de voitures piégées. Il y aura encore des assassinats et des massacres d'innocents (ne l'oublions pas, depuis la première Epiphanie, c'est la règle de la fureur démoniaque, le massacre des innocents suit l'adoration des mages), mais on marche vers la paix. Les pourparlers à propos du Golan sont sérieux… même si les extrémistes des deux bords les rejettent. De même à Sarajevo, c'est un début de paix, il y a le gaz et l'électricité, pas partout d'accord, mais il n'y a plus de snipper et le tram circule, même si dans certains quartiers on prend des otages, mais on les relâche le lendemain.
Je vous regarde et je vous vois sceptiques, certains du moins. Alors il faut que je m'empresse de vous rappeler une autre parole prophétique, celle de Zaccharie (4/10) "ON NE SE MOQUE PAS DES PETITS COMMENCEMENTS". Quand la paix arrive, quand le bien essaie de se faire jour, on regarde avec attention et on propage la nouvelle, mais on ne se moque pas.

Arrivons à la Lumière, la Traduction Oecuménique de la Bible traduit notre texte ainsi "METS-TOI DEBOUT ET DEVIENS LUMIERE". Certes le texte vise Jérusalem. C'est elle qui est appelée à se relever, c'est à elle qu'on annonce la prospérité retrouvée. Mais rien ne nous interdit dans l'interprétation biblique de penser que la Parole de Dieu s'adresse aussi ici à nous et qu'elle nous interpelle directement en s'adressant à vous, à moi, à nous comme étant directement concernés. L'énergie que le prophète, au nom du Seigneur, communique à Jérusalem, est aussi pour nous, pour tout lecteur du texte qui veut bien écouter avec sérieux et réfléchir avec sa raison, son cœur et sa foi.
Pour que l'EPIPHANIE nous concerne, pour que nous devenions LUMIERE, pour que Le Seigneur brille en nous et que notre vie s'éclaire, il nous faut passer par où ont passé les Mages, c'est-à-dire l'ADORATION DE L'ENFANT-DIEU.
Les Mages, lorsqu'ils sont arrivés dans l'endroit où était l'enfant-Dieu se sont agenouillés.
Rappelez-vous : nous avons commencé notre culte en lisant le début du Psaume 95 : "Venez, inclinons-nous, fléchissons les genoux devant le Seigneur".
Pour que nous puissions être pleinement des hommes et des femmes en dignité d'êtres humains comme Dieu les veut, c'est-à-dire devant l'enfant-Dieu, c'est-à-dire qu'il nous faut entendre cet appel de l'amour de Dieu et accepter son respect de la vie.
Les Mages, tout rois qu'ils fussent ou savants spécialistes des étoiles n'ont pas trouvé indignes d'eux cette marque de respect et cette adoration. Alors ils ont reçu de Dieu, en rêves la lucidité qui leur était nécessaire pour ne pas tomber entre les griffes du rusé Hérode.
Nous aussi, Chers Frères et Soeurs, nous recevrons de Dieu, et pourquoi pas aussi en rêves la lucidité dont nous avons besoin pour guider nos pas dans notre vie pratique et pour trouver les solutions qui nous permettront même de sortir de certaines impasses dans lesquelles nous nous croyons enfermés. C'est l'EPIPHANIE que je nous souhaite à toutes et à tous.

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Jean-François Vaucher
Musique
Musiciens/chorale ?