Message du Jeûne Fédéral 95

image

Vous tous qui êtes ici présents ou à l'écoute de la radio, que vous soyez bien portants ou, hélas malades, je vous salue très particulièrement et fraternellement. Par le seul fait que vous êtes rassemblés dans cette belle église, ou à l'écoute sur les ondes, voici que nous sommes déjà entrés dans une communion fraternelle. Communion dans l'écoute de la parole de Dieu, communion dans la louange du Seigneur, communion dans la prière. Je ressens que, mystérieusement mais profondément, nous nous rejoignons presque à pouvoir nous donner la main.

En ce qui me concerne, j'avoue être ému d'être invité à prendre la parole, en ce dimanche de la Fête fédérale d'action de Grâce dans votre église, précisément le jour où, par cet échange de prédicateur, nous témoignons de la confiance que nous nous faisons les uns aux autres, dans l'oecuménisme.

J'ai été touché, comme vous sans doute, de remarquer que, dans le message du Conseil d'Etat de notre canton, soulignant le droit à la différence, la réflexion qui nous y est proposée peut très bien s'entendre aussi dans la dimension oecuménique.

Comme je le remarquais dimanche passé, à l'installation, dans cette paroisse du Pasteur Kraege, l'oecuménisme n'a pas été ma préoccupation première dans ma jeunesse, bien au contraire, je l'avouais déjà, j'ai vécu assez longtemps dans une sorte de crainte des protestants. Mais voilà que tout ce qu'il m'a été donné de vivre, de partager, dans mon ministère de prêtre, tout cela m'a conduit à une profonde évolution. En effet, dans toutes les rencontres avec les pasteurs ou les fidèles protestants, que ce soit à Vevey, Blonay et St Légier ou ici même plus tard, j'ai été impressionné de la qualité d'accueil et de respect qui m'était accordée. Tout cela a provoqué en moi ce que j'ose appeler une conversion. Il s'est trouvé entre autres, que j'ai été invité à assurer la prédication, dans un culte ordinaire du dimanche, à l'église de la Chiésaz. Mon prédécesseur, l'Abbé Ambroise Binz, avait déjà participé à des célébrations de mariage ou de baptême d'enfants de foyers mixtes dans cette même église, mais pour un culte ordinaire, je réalisais que j'étais le tout premier, depuis la Réforme. Comprenez alors que je continue à ressentir, aujourd'hui, encore, une semblable émotion.

Pour aujourd'hui, ce qui me touche aussi, c'est que le passage d'évangile qui nous est proposé est celui de St Luc, au chapitre 15, les versets 1 à 32. Comme ce passage est particulièrement long, il a été partagé. Tout à l'heure, ce cher Confrère, le Pasteur Pierre-André Pouly nous a fait part de sa profonde méditation sur la première partie et il m'échoit de m'arrêter sur la deuxième partie. C'est vraiment comme une invitation à méditer, les uns et les autres, dans nos églises, sur la bonté infinie de Dieu pour tout homme.

En ce qui me concerne, je pense que cet évangile du fils prodigue devrait bien plus justement s'intituler : l'évangile du Père prodigue d'amour. Un commentaire du Père Henri Caro a retenu mon attention. "La famille peut être nombreuse, pour les parents, chaque enfant est unique et précieux comme tel. Si l'un des enfants est parti au loin, pour le travail, les études ou bien, comme on dit, pour faire sa vie... il manque quelqu'un à la maison. Les autres peuvent redoubler de gentillesse., l'absent ne se remplace pas."

Oui, ces paraboles de la miséricorde de Dieu nous font un peu mieux comprendre ce qu'est l'amour de Dieu pour chaque homme. Nous être nous-mêmes prisonniers de nos péchés, sachons réaliser que le plus petit regret de nos fautes fait déjà accourir Dieu à notre rencontre.

Rembrandt a merveilleusement exprimé cela dans son célèbre tableau du retour de l'enfant prodigue. Le père a, sur les épaules de son fils à genoux devant lui, ses deux mains posées avec tendresse, une main féminine, une main masculine. Il ne manque rien à l'amour de Dieu, c'est l'amour total. N'est-ce pas inouï de penser que c'est Dieu qui accourt à notre rencontre ?

Mais nous-mêmes, dans cette parabole, où nous reconnaissons-nous ? Dans le fils cadet ou dans le frère aîné ? Le dialogue entre le fils aîné et le Père est très intéressant... il ne dit pas: mon frère, mais ton fils que voilà. Nous le remarquons aussi dans les échanges entre les personnes, si un des époux dit à l'autre: ton fils, c'est presque à coup sûr pour une critique, mais s'il dit: mon fils, ma fille, c'est probablement pour quelque chose de bien.

Oui, je crois que nous ressemblons beaucoup plus souvent au fils aîné plutôt qu'au cadet. Ce dernier s'est laissé entraîner, emporter par un mouvement d'indépendance, alors qu'il n'était pas prêt à assumer cette indépendance, mais au moment où il s'en rend compte, il a la grâce de faire un retour sur lui-même et il regrette sa faute. Remarquons tout de même que son repentir est assez modeste, c'est la faim qui semble motiver ce repentir "les ouvriers de mon père ont du pain en abondance".

Comme je me connais moi-même, je pense que je n'aurais jamais eu le courage de partir (surtout pas de réclamer ma part... par manque de personnalité assez affirmée?)... je ne sais pas. Mais si j'étais parti, aurais-je eu, un jour, l'humilité de revenir et de demander pardon ? Par contre, j'aurais une grande peur de ressembler beaucoup au fils aîné, qui n'accepte pas de voir revenir celui qui a déjà gaspillé sa part et avec lequel j'aurais à partager à nouveau. Peut-être sommes-nous assez nombreux à réagir ainsi. Si tel est bien le cas, alors c'est que nous avons à méditer sérieusement cette parabole. J'aurais un peu tendance à dire: nous n'en sortirons pas si nous nous contentons de réfléchir avec notre notion de justice. Il nous faut absolument réaliser ce qu'est cette infinie bonté et miséricorde de Dieu.

J'osais évoquer mon sentiment que notre rassemblement dans cette église, étendu à beaucoup d'auditeurs, nous faisait entrer en communion; la communion c'est bien sûr tout le contraire de l'exclusion. Puissions-nous nous laisser convertir à cette dimension de l'accueil de l'autre, même celui qui nous dérange. Puissions-nous, dans nos églises, privilégier l'accueil, la communion, dans le respect du droit à la différence... alors nous serons toujours plus fils et filles du même Père, qui nous aime.

Prédications de la même personne

Aucun résultat.

Détails

Avec la participation de
officiant Philippe Maire, pasteur
Orgue
Anne-Claude Burnand
Musique
Aline Jaillet, Sandrine Mellina, chants