L’inconnu comme racine

Temple de Denges (©Christophe Verrey)

Écouter le culte :

J’ai envie d’étudier avec vous la stupéfaction des disciples de Jésus : ils se trouvent le regard fixé vers le ciel. Quoi de plus normal, Jésus y est monté !

Je nous invite à notre tour de nous imaginer là avec les disciples et de faire une pause. Une pause pleine de vide. Un moment de manque. Nous avons tendance à combler le vide et à remplir les silences. Alors je nous demande, est-ce que ce manque peut nourrir notre foi et notre connaissance de Dieu ? J’espère que nous pouvons constater notre méconnaissance ou accepter que nous ne pourrons jamais tout savoir sur Dieu.

Avant de tout expliquer sur le mystère de l’Ascension, permettons-nous de rester un peu la bouche ouverte de choc et de peur ou d’admiration. Toutes les émotions sont permises ! Regardons au ciel et ensuite regardons le monde autour de nous. Tout l’univers appartient à Dieu. Toute culture, chaque personne, la nature, le ciel, la terre, l’eau et le temps.

Jésus de Nazareth était revenu parler du Royaume de Dieu, invitant ses amis à baptiser toutes les nations. Notre manque se remplit alors de toute l’histoire du monde, bien avant le monde judéo-chrétien. La Bible reste bien sûr notre Parole. Mais pas que. La Parole était auprès de Dieu, elle est devenue Jésus de Nazareth. Il a vécu sur terre. Ensuite la Parole est repartie vers Dieu pour continuer de vivre pour toujours avec Dieu et avec nous. Et avec tout le monde. Avec des peuples non chrétiens, avec les non juifs, avec les juifs, avec les gens qui ne pratiquent pas notre religion. Avec les gens qui n’en pratiquent aucune. Avec tout le monde.

Là, je vais peut-être trop loin. J’essaie de m’imaginer l’abondance de l’amour de Jésus et je n’arrive pas à trouver mes mots. Jésus a passé son temps sur terre à agrandir la compréhension du royaume de Dieu. Ses contemporains pratiquaient la séparation entre les tribus juives et les autres. Les juifs vivaient dans l’alliance avec un Dieu unique qui les avaient libérés de l’esclavage.

Fallait-il tout soudain partager Dieu avec les autres humains du monde comme si de rien n’était ? Je pense que rien n’était bien soudain. Peu à peu la séparation s’est faite entre les juifs et les chrétiens.

Il me semble qu’à l’époque, Jésus parlait dans ce sens : « Tu es le prochain de celle ou de celui qui a besoin de toi. Et quand tu as besoin des autres, sans le savoir des fois, tu es leur prochain, et tu as besoin d’eux. »

Notre prochain n’est pas toujours réformé ! Ou suisse ! Pas toujours humain non plus, des fois c’est la nature qui va continuer à faire avancer le Royaume de Dieu.

Nous voulons être une église inclusive, qui accueille à bras ouverts les âmes qui cherchent du réconfort. Nous voulons que la Parole de Dieu soit bien visible parmi nous, que les gens nous reconnaissent à nos fruits. Nous voulons aimer tout le monde. Mais nous ne voulons pas dire n’importe quoi. Notre théologie est réformée, avec des bases judéo-chrétiennes. Elle est fondée en Jésus Christ et basée sur la Bible qui est quelque part ancrée dans un temps spécifique. 

Cette Bible emploie des mots comme « d’éternité en éternité », Jésus parlait d’arbres si grands que tous les oiseaux du ciel y trouvaient refuge. Il exagère un peu des fois. Très souvent même…

Alors je pense que là où nous sommes debout, regardant au ciel, nous repensons au royaume des cieux qui est immense, où l’amour abonde, la coupe déborde. Ce n’est plus le manque qui est béant mais la générosité de Dieu qui est immense.

Séparons-nous des disciples qui ont perdu Jésus de vue. À nous de continuer son œuvre. Donnons-nous les dix jours entre Ascension et Pentecôte avant de courir faire quelque chose. Restons avec le calme et le manque. Acceptons que, des fois, la meilleure chose à faire est de ne rien faire. Parce que quand on ne sait pas quoi faire, il vaut mieux attendre un peu.

En ce qui me concerne, je remarque très souvent que quand je ne fais rien de spécial, je chantonne quelque chose, c’est comme ça que je fonctionne. Là, en écrivant cette prédication, je chantais un refrain de ma jeunesse. Des paroles d’Exode 14, 14 : « L'Éternel combattra pour vous; et vous, gardez le silence. » Et je constatais que j’avais des souvenirs de ce refrain répétitif : Ne fais rien, demeure dans le calme de l’Éternel, c’est lui qui fait tout le travail.

Puis je me suis rappelé qu’à une réunion de notre groupe de jeunes un soir, un adulte bien respecté nous a fait découvrir le prochain verset, Exode 14, 15 : « Qu‘est que c‘est que ces cris et ces prières vers moi ?, dit Dieu. En marche, partez donc, agissez ! Moïse, prend ton bâton, étends ta main sur la mer, et fends-la; et les enfants d'Israël entreront au milieu de la mer à sec. »

Vous voyez, ce chant a fait en moi le rapprochement avec l’Ancien Testament. Et il a révélé ma peur d’être prise au piège par un savant adulte qui me corrige. Je prêche l’Église universelle et l’amour de Dieu envers tout le monde. Et non seulement ça, je pense que l’Ascension peut ouvrir en nous des choses nouvelles jamais encore révélées. Si seulement nous osions endurer le silence et le manque. Demeurer calmes en Dieu, et après seulement, continuer notre route, quand il aura donné le feu vert avec son Esprit. Et j’ai peur qu’on me contredise.

Alors j’entends les hommes en blanc dans les Actes des apôtres, parlant d’une voix douce aux disciples. Ils ne font pas de reproches aux gens de rester la tête en l’air, mais ils les guident en douceur vers leur intuition, leur introspection et puis un jour vers une action nouvelle.

« Sois tranquille et espère en l’Éternel. »

Soyons tranquilles et réconfortés dans notre humanité. Nos émotions sont nombreuses et elles ne sont pas étrangères à Dieu. 

Nous allons célébrer la cène parce que Jésus s’est mis à table avec hommes, femmes et enfants. Ils ont partagé le pain et le vin, leurs joies et douleurs, leur foi dans leur Parent céleste qui est une sainte force créatrice et libératrice. Le Saint-Esprit qui nous nourrit et nous régénère. Ne laissons aucun jour passer sans en parler.

Le retour de Jésus de Nazareth est déjà là, il vit avec nous et nous guide pour évoquer la révolution permanente dans nos vies. Libérons, jubilons, frappons dans nos mains, réconfortons nos contemporains ! Pourquoi fixer la tombe ou le ciel, quand nous avons accès au royaume de Dieu ?

L’inconnu est derrière nous. Nous ignorons trop de ce que nos ancêtres ont appris ; ce qu’ils ont fait en bien et en mal.

L’inconnu est devant nous. À nous de vivre l’alliance nouvelle avec l’unique Dieu, libérés de la tradition et de toujours faire pareil.

Dieu est là pour nous parler de son royaume. Dieu qui est venu exprès sur terre pour réapprendre la vraie vie à ses enfants, ce Dieu-là est notre ami. Ses leçons sont douces et faciles. Elles se pratiquent en groupe et en musique. Elles nous surprennent parce que l’Esprit saint nous entoure. Laissons la musique nous parler et nous introduire à la vie harmonieuse en Dieu. Elle nous dira : « Sei stille dem Herrn », demeure calme dans le Seigneur.

Amen.

Ne cherchons pas à retenir Jésus ou à le réduire à ce que nous pouvons comprendre et saisir. Le mystère de l’Ascension nous emporte vers l’inconnu. Enraciné.e.s dans l’inconnu, nous avançons avec l’Esprit saint vers une foi renouvelée.

 

Détails

Avec la participation de
Jean-Charles Mignot pour les lectures
Orgue
Irena Todorova
Musique
Annette Lange-Gavin, Lisette Vonnez et Ruth Bohner au chant