Il n'y a pas que la Covid qui est contagieuse!

©Pierre Boismorand

Écouter le culte :

Isabelle Minger (IM) : « S’il se forme… »

Pierre Boismorand (PB) : Quoi ?

IM : « S’il se forme au sommet de la tête ou sur le front d’une personne, un mal d’un blanc rougeâtre… »

PB : C’est... la Covid ?

IM : Mais non voyons, arrête avec ça !

« Et si ce mal ressemble à une lèpre de la peau, la personne est impure. Et le prêtre la déclare impure. Alors, le malade doit déchirer ses vêtements, défaire ses cheveux, et crier : ‘Impur ! Je suis impur !’. Et il lui faudra vivre à l’écart des autres. Il devra habiter à part. » (Lévitique 13, 41-46)

PB :  Ça, c’est une sage décision ! Sûrement prise pour protéger le malade. Oui, enfin, c’est tout à fait normal d’éloigner une personne contagieuse. De la placer à l’isolement.

Parce qu’elle représente un danger ! Elle pourrait nous contaminer. Qui sait si à son contact, on ne deviendrait pas nous-mêmes… cas-contact ?

Mais, dis-moi, d’où vient cette histoire de lépreux, ou de personne qui présente des taches suspectes, et qu’il faut éloigner ? Qui est rejetée, exclue, mise au ban de la société ?

IM : On trouve ces paroles dans le Lévitique. C’est un livre biblique qui a été écrit il y a 2500 ans. Et aux chapitres 13 et 14, on découvre de nombreuses mesures religieuses, ou disons plutôt « sanitaires ». À cette époque de l’ancien Israël, la lèpre était répandue. Cette maladie infectieuse, qui se transmet facilement, et qui provoque des lésions cutanées et nerveuses irréversibles, faisait des ravages parmi la population.

PB : Il fallait donc trouver un moyen de l’éradiquer ?

IM : Supprimer totalement une maladie, une bactérie ou un virus est impossible. Aujourd’hui encore, malgré un traitement efficace contre la lèpre, l’OMS estime à presque 3 millions le nombre de malades à travers le monde.

Et pense simplement à la grippe saisonnière : chaque année on doit se refaire vacciner, parce que le virus a muté…

PB : Bon, toi, Isabelle, tu connais ça, parce que tu étais aussi infirmière. Mais enfin, c’est vrai qu’en ce moment, on est presque tous devenus spécialistes en épidémiologie…

Mais donc le Lévitique aborde ces problématiques de détection de la maladie, de mesures d’hygiène à respecter, de mise à l’isolement, et d’accompagnement de la guérison ou si c’était autre chose que la lèpre.

IM : Oui. Je lis encore au chapitre 13, 47-59 : « Si un vêtement de laine, de lin, un tissu ou un objet en cuir présente une tache verdâtre ou rougeâtre, le prêtre l’examinera. Si c’est une tache de lèpre, l’objet sera placé sept jours sous séquestre. Après sept jours, on l’examinera. Si la tâche s’est étendue, l’objet est impur. On le brûlera. Si la tâche n’a pas bougé, le prêtre ordonnera de laver l’objet. Puis on le mettra sous séquestre pour une seconde période de sept jours. »

PB : Ce qui peut étonner en t’écoutant, c’est la précision de ces mesures. Avec une tentative de diagnostic précoce, et des efforts de prévention. On se croirait presque aujourd’hui, au temps de la Covid !

IM : Oui, déjà à l’époque on avait compris que la transmission se faisait par contact. Mais on appelait « lèpre » aussi bien des moisissures que des affections de la peau plus ou moins contagieuses. On croyait que la maladie pouvait s’attaquer aux objets, aux vêtements et même... aux maisons !

Par exemple, dans Lévitique 14, 33-53, il est écrit : « S’il y a une tache de lèpre dans une maison, le propriétaire l’annoncera au prêtre, qui fera vider la maison, puis examinera la tâche. Ainsi, rien de ce qui se trouvait dans la maison ne sera tenu pour impur. Si la tâche, sur les murs, présente des cavités verdâtres ou rougeâtres, le prêtre mettra la maison sept jours sous séquestre. Le septième jour, il reviendra et procédera à l’examen : si la tâche s’est étendue, il fera arracher les pierres tachées. On les jettera hors de la ville, dans un endroit impur. Il fera gratter l’intérieur de la maison et jeter hors de la ville, dans un endroit impur, la terre ainsi grattée. On prendra d’autres pierres pour remplacer les premières, et une autre terre pour recrépir la maison. »

PB : Pardon Isabelle, mais ça devient pénible d’entendre tous ces règlements… Tu vas tout lire ?

IM : Attends, juste encore un peu : « Le prêtre procédera à un examen : si la tache bourgeonne dans la maison après l’arrachage des pierres, le grattage et le recrépissage, c’est une lèpre maligne, la maison est impure. On la démolira. »

Bon, j’arrête ici... même si le texte continue !

PB : Ouf ! Merci !

IM : Qu’est-ce que tu dis ?

PB : Je pense que ça suffit, ces citations.

D’accord, toute maladie implique un protocole sanitaire à respecter, mais la Bible n’est pas un livre scientifique. Enfin, c’est quand même curieux d’entendre que c’étaient les prêtres qui s’occupaient des malades, qui posaient un diagnostic médical, qui mettaient en place des règles sanitaires, qui décidaient des mises en quarantaine, qui pouvaient dire quand une personne était guérie.

En tant que pasteur, je peux essayer d’apporter un réconfort spirituel aux malades, mais je serais mal placé pour proposer un traitement ou dire ce qu’il faudrait faire en cas d’atteinte virale.

IM : C’est sûr. Mais à l’époque, les prêtres, seuls intermédiaires entre Dieu et les hommes, s’occupaient de tous les domaines de la vie.

PB : C’est donc pour ça que Jésus, après avoir entendu les dix lépreux, leur a dit : « Allez vous montrer aux prêtres. »

IM : Exactement. À l’époque, ces lois étaient toujours en vigueur. Il fallait suivre les prescriptions à la lettre, et seul un prêtre pouvait déclarer « pur » un lépreux.

PB : Tu veux dire que les malades étaient considérés comme impurs ?

IM : Ils étaient affligés d’une double peine : rejetés, stigmatisés, obligés de garder leur distance et de vivre à l’écart, ils souffraient dans leur corps, mais aussi moralement.  Parce que leur maladie était considérée comme une punition divine. On les regardait comme des pécheurs. Exclus de l’assemblée d’Israël, il était interdit aux pestiférés de se couvrir la tête et ainsi, ils ne pouvaient pas prier.

PB : Les autres, les gens en bonne santé ne pouvaient pas non plus les approcher ?

IM : C’est ça. Chacun devait respecter la distanciation sociale.

PB : Mais alors, pourquoi est-il écrit au tout début de l’évangile de Marc (1, 40-45) que Jésus s’est non seulement laissé approcher par un lépreux, mais qu’il a « étendu la main, l’a touché, et l’a guéri » ? Jésus est-il de ceux qui ne respectent pas les règlements, qui contestent la politique sanitaire ? Une sorte de complotiste, un agitateur qui ne prend pas au sérieux la maladie ?

IM : Rien à voir avec ça ! Mais dans ce contexte où la lèpre était vue comme une malédiction, Jésus affirme que : non, pas du tout ! Ce n’est pas un jugement de Dieu, ni une condamnation. Bien au contraire !

L’évangile prend soin de préciser que : « Jésus fut rempli de pitié pour lui » (Marc 1, 41). Cet homme qui est malade n’est pas puni par Dieu. Dieu éprouve de la compassion pour lui… et le guérit. Jésus le touche et est touché par lui. Ainsi, aucun mal ne peut être regardé comme un châtiment divin. Car le mal est l’adversaire de Dieu.

PB : Et dans le récit de la guérison des dix lépreux, là, Jésus ne les touche pas !

IM : Non, mais celui qui remercie, le seul qui pense à revenir vers Jésus, c’est un étranger. Ça signifie que personne n’est exclu de l’amour de Dieu. Même ce Samaritain, qui ne fait pas partie du peuple d’Israël, l’amour l’enveloppe et le restaure.

PB : Jésus lui dit : « Ta foi t’as sauvé ! » (Luc 17, 19).

IM : Oui, et c’est extraordinaire, car cet homme ne partage pas la foi de Jésus, la foi d’Israël. Il croit autre chose. Et pourtant, Jésus lui dit ça !

PB : Jésus lui dit : « Lève-toi et va. Ta foi t’a sauvé. »

Est-ce que tu penses que nous aussi, on pourra bientôt se lever et aller ? Sans contraintes ? Guéris de nos éloignements et de la peur qui nous a contaminés ?

IM : Oui, l’amour est toujours vainqueur !

PB : Merci, chère Isabelle, pour cette espérance et cette foi qui sont essentiels, et nous font tellement de bien.

La lèpre est une maladie très présente dans la Bible. Elle y est l’objet d’un «protocole sanitaire et religieux» détaillé qui présente de nombreuses similitudes avec notre situation actuelle. Jésus affronte cette maladie et guérit ceux qui sont touchés. Ces différents éléments donnent à méditer, à penser et, pourquoi pas, à changer de regard sur ce qui nous arrive.

Détails

Célébration
Avec la participation de
Charly Rieder pour les lectures
Orgue
Musique
Léonard Müller à la clarinette et Georges Gagnebin au piano, avec Patricia Müller Lavanchy au chant