Appelons la Suzanne

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Fils de républicains espagnols réfugiés politiques fuyant la dictature franquiste je suis né à Toulouse en 1958. J’ai grandi dans une banlieue française, ai été placé devant ma responsabilité de chrétien au contact de migrants mexicains à la frontière californienne et suis revenu à Paris puis Neuchâtel pour suivre mes études de théologie. Au service de l’EERV depuis les années 2000 auprès de populations précarisées, j’exerce actuellement un ministère paroissial et d’aumônerie dans l’ouest lausannois. Mon intérêt porte sur la pertinence des enseignements du Christ quant aux questions d’exclusions, de discriminations et d’isolement social.

Soumis par Richard Falo le
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Quand nous nous retrouvons tous les mois pour la célébration dans son EMS les paroles de la liturgie sont tellement enracinées en elle qu'elle retrouve comme par magie les paroles du culte. D'autres souvenirs s'éloignent mais ni les répons ni les paroles de « A Toi la gloire ».

 Elle écoute attentivement la méditation un voile mystérieux d’incompréhension dans les yeux.  

Le culte a toujours été le métronome de son existence et aujourd’hui alors que ses souvenirs glissent dans le brouillard de la démence, il lui donne un point d’encrage et la rassure dans son identité chrétienne.

J'ai vu ses souvenirs et ses capacités sombrer. Mais je m'émerveille de ce qui reste : sa confiance en ce Dieu qui l’a accompagnée au long de ses longues années de vie. Sa paroisse comptait beaucoup autant que le ski et les randonnées en montagne.  

 J'ai vu sa foi passer d'une sorte d’adhésion naturelle par défaut héritée de ses ancêtres à une confiance profondément enracinée en Jésus.

Elle a peur de gêner, d’être un poids, d’être de trop alors que d’autres plus jeunes sont partis alors qu’ils devraient encore être avec nous... « C’est mal fait » répète-t-elle.  

Je la rassure, elle est loin d’être un fardeau mais plutôt un encouragement pour d’autres qui n’ont pas cette foi inébranlable.

Alors que nous nous préparons à la célébration mensuelle nous passons en revue notre mantra : "Vous croyez toujours que Dieu nous aime ?" "Oui," dit-elle puis nous lisons la prière de St François.

Suzanne a peut-être oublié comment s’habiller ou quel jour nous sommes mais elle n'a pas oublié le Christ qui nous sauve.

Nous récitons les paroles de la liturgie et chantons « A Toi la gloire ».

Étrangement c’est moi l’aumônier qui ressort de sa chambre rendu plus fort et meilleur croyant.

Sa foi et sa confiance en Dieu sont contagieuses.