Qu'est-ce que l'édification?

Eglise de Pampigny (© Ludovic Péron, CC BY-SA 3.0 Wikimedia Commons)

Écouter le culte :

Les quiproquos

Il y a des mots qui créent des quiproquos, parce qu’ils se ressemblent, ou qu’ils ont plusieurs sens. Prenons « é/Église » par exemple : cela change tout qu’on y mette la majuscule, ou pas. Un é minuscule, c’est le bâtiment. Un É majuscule, c’est l’assemblée des croyants.

Un quiproquo, c’est ce qu’il se passe, d’ailleurs, dans le dialogue entre les autorités juives et Jésus, juste après son coup d’éclat, au temple de Jérusalem. Mais, le quiproquo ne se situe pas tant autour du mot temple, qui fait référence, d’un côté, au temple de Jérusalem, et de l’autre, au corps de Jésus, mais surtout autour du mot « relever ». Certains le comprendront comme « rebâtir ou édifier le temple » tandis que le Christ, lui, parle de sa résurrection.

Intéressant, n’est-ce pas, de constater que les autorités religieuses ont les yeux rivés sur les travaux et leurs temporalités, alors que le Christ parle d’une toute autre réalité ! Le nœud du dialogue se situe donc à un endroit délicat, entre architecture et foi. Entre architecture et foi, c’est aussi là où se place, en équilibre, le culte de ce matin !

Un autre mot qui a plusieurs sens, c’est évidemment le mot « édification ». Pour certains d’entre nous, ce mot fait d’abord penser aux échafaudages, aux odeurs de poussières et d’enduit, aux lourdes pierres à poser. D’autres entendront également un autre type de construction, celle de la foi : quand elle progresse, quand elle se transforme, quand elle se laisse construire.

 

Reconnaissance et espérance

Mais avant l’édification, je vous propose de commencer par de la reconnaissance. D’abord, de la reconnaissance de ce qui a déjà été bâti, posé, fondé.

Ici à Pampigny, les travaux de réfection ont été effectués. Nous avons de la reconnaissance pour tous les corps de métiers qui ont œuvré ces derniers mois. Mais aussi, par-delà les âges, nous avons de la reconnaissance pour les bâtisseurs d’autrefois.

De mon côté, je suis toujours impressionnée par le savoir et le savoir-faire de celles et ceux qui mesurent, bâtissent, construisent, prennent soin des bâtiments, des fondations, du plancher, des murs jusqu’aux toits au-dessus de nos têtes. Architectes, menuisiers, maçons, charpentiers, peintres, plus récemment des chauffagistes, et encore divers autres corps de métiers qui ont œuvré et qui œuvrent encore pour que nos maisons et nos églises tiennent bon et traversent les années.

De la reconnaissance, nous en avons aussi pour les apôtres et les prophètes, car le texte de l’épitre aux Éphésiens les citent comme les fondations pour la maison de Dieu. Les apôtres et les prophètes, qu’est-ce que c’est ? Les apôtres sont celles et ceux qui ont été, littéralement, envoyés par le Christ pour annoncer sa résurrection. Les prophètes, quant à eux, sont ceux qui parlent au nom de Dieu, qui regardent le monde et l’analysent avec la foi. Oui, nous croyons qu’eux et elles aussi sont au niveau des fondations. 

Et puis, dans l’épître aux Éphésiens, il est bien mentionné que le Christ est la pierre d’angle. La pierre angulaire, c’est la pièce maîtresse d’un édifice et c'est elle, la pierre, c’est lui, le Christ, « qui en assure la solidité » peut-on lire. Eh oui, le Christ, sans qui il n’y aurait rien de tout ça. Pas d’église (avec é minuscule), pas d’Église (avec É majuscule).

L’édification, c’est bien ! Mais avant d’édifier, il nous faut déjà une base, une base solide. Avant de chercher à modifier ou à faire grandir le bâtiment, il est nécessaire de reconnaître ce qui était là avant nous.

Pour l’édification, continuons avec l’espérance pour ce qui adviendra.

La demande et la promesse contenues dans l’épître aux Éphésiens nous parlent de devenir ensemble la demeure de Dieu. A l’époque de l’écriture du texte, Juifs et Grecs sont des personnes que tout oppose : socialement, politiquement, religieusement. En choisissant des fondements communs, et en particulier le Christ, ils peuvent oser bâtir et édifier une maison commune où ils seront concitoyens comme le dit le texte.

Concitoyens d’une même maison, ce n’est pas ce qu’on appellerait, plutôt, nous «colocataire» ? Nous sommes sans doute nombreuses, nombreux à avoir expérimenté la colocation, où l’on peut vivre le meilleur comme le pire. De mon côté, mes années de vie étudiante ont été marquées par des colocations, aussi belles que périlleuses. Et les colocations, c’est exactement ça : il s’agit de vivre avec des personnes que l’on n’a pas toujours choisies. Parfois, tout nous oppose, mais nous devons cohabiter du mieux possible et mettre les choses en commun, partager du quotidien.

D’ailleurs, c’est aussi le sens du mot « commune », lorsqu’on parle d’un village, ou d’un ensemble de villages, comme aujourd’hui la commune de Hautemorges, qui s’est largement associée à la fête. « Commune » est un mot qui vient du latin « communis », qui signifie commun ou partagé.

Avec toutes les difficultés que cela amène, dans la demeure de Dieu ou dans d’autres demeures, il y a cet appel à mettre en commun. Nous devons mettre en commun les pierres qui construiront notre édifice et les agencer ensemble.

Édifier est une chose, mais se laisser édifier en est une autre. C’est parfois difficile de se laisser déplacer, de se laisser déconstruire, d’oser décaler ses fondations. On le voit dans le malentendu, l’incompréhension, le quiproquo entre les autorités et Jésus dans l’Évangile selon Jean. Alors que le Christ tente de dire que l’économie autour du temple est obsolète car il est le nouveau temple – celui qui fait le lien entre Dieu et l’humanité – les autres ne pensent qu’aux 46 longues années de construction du temple de Jérusalem… et passent alors à côté du message ! Mais, 46 ans de labeurs, vous imaginez ? Et mettre tout ça par terre, d’un seul coup ?! Ils se sont laissés enfermés dans ce qu’ils ont édifié de leur main. Est-ce un temple ou un tombeau ? On ne sait plus très bien… mais on peut voir qu’ils ont de la peine à prendre part à la déconstruction proposée par le Christ.

Mais ce n’est pas seulement une histoire de déconstruction ! Le Christ ne nous laisse pas en tas de gravats. Il ne nous laisse pas en vrac ! Alors, qu’est-ce qui édifie ?

 

Qu’est-ce qui édifie ?

Qu’est-ce qui fait tenir debout ?

Qu’est-ce qui relève ?

Maintenant que nous avons un temple chauffé à température confortable, accessible à celles et ceux qui entendent ou se déplacent difficilement, le confort de ces lieux nous permet de nous souvenir que la question qui importe est : « Qu’est ce qui nous édifie, à l’intérieur ? ». A celles et ceux qui écoutent, entre quatre murs, ou dans l’habitacle d’une voiture : qu’est-ce qui vous édifie ?

Des bâtiments, des églises, par exemple, peuvent-ils, peuvent-elles nous élever, nous édifier ? Sans doute un petit peu ! Beaucoup se laissent toucher par l’architecture d’un lieu, l’atmosphère d'une église, regardent avec intérêt des représentations ou des vitraux. On peut même ressentir des émotions fortes quand un bâtiment est abîmé, qu’il brûle, qu’il est en travaux, ou encore qu’il est délaissé. Notre lien à la pierre, aux pierres n’est pas à ignorer, mais la nostalgie de la pierre, nous l’avons vu, ne permet pas toujours de vivre une déconstruction édifiante.

Des êtres humains, des personnes peuvent-elles nous édifier ? Bien entendu, notamment celles et ceux qui sont apôtres et prophètes, aujourd’hui encore, ces personnes qui partagent leurs enseignements, leurs expériences, leurs témoignages font grandir notre foi.

Des étrangers et des inconnus peuvent-ils nous édifier ? Évidemment, répond l’épître aux Éphésiens. S’adressant ici aux étrangers, aux émigrés, il est écrit : « Vous êtes intégrés dans la construction ». Le verbe grec est justement celui qui correspond à édifier, bâtir par-dessus, finir la structure pour laquelle la fondation a déjà été posée, accroître le lieu. Un peu comme avec une plante : lorsque nous greffons, nous ajoutons une partie d'une plante à une autre pour créer une nouvelle entité qui grandira et se développera. De même, l’apport d’un autre, d’abord inconnu, d’abord étranger, contribue bel et bien à la construction et au développement de la maison commune.

Enfin, la résurrection du Christ peut-elle être une édification ? Assurément ! Et je le dis dans la joie et dans l’élan de Pâques : cet événement est celui qui renouvelle la vie, qui a un impact dans le chemin de foi, qui change tout, qui restaure, qui élargit l’espace, qui ajoute un étage, qui modifie la structure. Bref, c’est la vie en plus de la vie !

C’est sans doute pour cette raison que dans cette église de Pampigny, c’est le Christ en gloire dans sa mandorle (c’est à dire dans une forme ovale, dans une amande) qui a été représenté ici et qui est central. Cette représentation du Christ en gloire est une affirmation de la croyance chrétienne en la résurrection.

 

Être édifiant ou se laisser édifier

Édifiants, édifiantes ? Le serons-nous ? Peut-être ! Par chance… ou par grâce ?! C’est souvent parce qu’on a été soi-même édifié, que l’on se sait porté et aimé que l’on édifie à notre insu.

Se laisser édifier par l’autre est une possibilité qui s’ouvre à nous. Un cadeau et un choix. Comme je ne peux pas m’édifier moi-même, je dois laisser l’autre construire pour moi, avec moi, autour de moi. Je dois laisser les bâtisseurs faire leur travail.

Toutes ces histoires anciennes que nous avons relues aujourd'hui ne parlent pas du passé, mais elles nous laissent entrevoir quelles pourraient être nos édifications d’aujourd’hui.

Pour les rues, les bâtiments, les places de sport, nous sommes satisfaits et heureux qu’elles soient construites, une fois pour toute, dirons-nous. Mais pour nous-mêmes, être édifiés, c’est l’histoire de toute une vie. Car nous n’avons jamais fini de nous laisser relever et ressusciter par Dieu.

Amen !

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A l’occasion de l’inauguration du temple de Pampigny, à l’issue de plusieurs mois de travaux, ce culte sera un temps de reconnaissance pour la possibilité de célébrer dans de bonnes conditions, en prière avec les chrétiens et chrétiennes en difficulté ailleurs sur la planète. Nous réfléchirons ensemble sur le thème de l’édification, qu’elle soit d’ordre architecturale ou spirituelle.

Détails

Célébration
Avec la participation de
Catherine Rosset pour les lectures
Orgue
Christiane Guhl
Musique
Le Trio Procrastinatio, et la fanfare l'Echo du Chêne sous la direction de Baptiste Gros